Port-au-Prince, le 12 septembre 2017 - (AHP) - Pour la première fois depuis son installation le 7 février dernier au palais national, le président Jovenel Moise a été confronté ce mardi à une manifestation monstre de l'opposition, qui a rassemblé des dizaines de milliers de personnes pour réclamer entre autres, pour certains, la non-publication de l'impopulaire budget 2017/2018 dans le journal officiel le Moniteur et pour d'autres, le départ du chef de l'Etat et du parlement accusé d'être à sa solde.
La manifestation a été lancée par plusieurs organisations et personnalités dont l'ancien candidat à la présidence Moïse Jean-Charles et Fanmi Lavalas, dans la foulée de la commémoration du massacre de Saint-Jean Bosco et de l'assassinat d'Antoine Izméry.
Mais la figure de proue de cette manifestation était le sénateur Antonio Cheramy (Don kato) qui avait sonné la fronde en mettant en morceaux le mardi 5 septembre, le rapport de la commission chargée d’analyser le projet de loi de finances.
Le mouvement qui avait par stratégie, plusieurs points de départ, était partie de plusieurs quartiers à la fois, pour éviter d'être bloqué par la police. C'est ainsi qu'il y avait des manifestants dans presque tous les secteurs du centre-ville, lançant des slogans et érigeant des barricades enflammées.
Un test réussi compte tenu du fait que la presidence et le parlement avaient banalisé les différentes mises en garde de différents secteurs de la société, les appelant à surseoir au vote du budget dans les termes qu'il a été déposé.
Si le peuple investi le macadam pour dire non au budget, entériné aveuglement par le parlement, dominé par les partisans de Jovenel Moise, ce dernier ne pourra pas le publier dans le journal officiel, car s'il le fait, des manifestations en cascades seront organisées dans le pays jusqu'a ce qu'il quitte le pouvoir, avait prévenu Jean-Charles Moise.
Le peuple a massivement participé à la manifestation de ce mardi que les forces de l'ordre n'ont pas réussi à bloquer.
Sur tout le parcours, les manifestants, pour la plupart des pères et des mères de familles, criaient leur raz-le-bol, face a la politique de Jovenel Moise qu'ils accusent d'appauvrir davantage les couches les plus défavorisées, alors qu'il leur avait promis monts et merveilles pendant la campagne électorale, entre autres "de l'argent dans leurs poches et du manger dans leur assiette".
Il y avait également parmi les protestataires, des jeunes qui affirment refuser de partir au Chili ou dans d'autres pays en quête d'une vie meilleure. Lorsque, dans un pays, la majorité des citoyens est au chômage, l'élargissement de l'assiette fiscale ne peut pas se faire à leur détriment, ont-ils souligné.
Le président Moise a augmenté considérablement les prix des produits pétroliers, concédé une infime, voire insignifiante augmentation du salaire minimum et aujourd'hui, il veut augmenter les taxes, avec quoi allons-nous payer, ont lancé des manifestants.
Ils ont appelé les citoyens à assumer leurs responsabilités et à défendre leurs droits et leurs intérêts face à un président inculpé, ont-ils dit, un évadé fiscal de premier ministre et un parlement dont la majorité des membres, députés et sénateurs, sont vassalisés par l'administration Moise/Lafontant.
Certains manifestants sont allés jusqu'à brandir la menace d'incendier le parlement pour exprimer leur mécontentement vis-a-vis des parlementaires pro-gouvernementaux qui, disent-ils, ont entériné le projet de budget sans poser de questions.
Plusieurs incidents ont émaillé la manifestation notamment l'incendie de plusieurs véhicules, alors que les pare-brises de plusieurs autres ont été cassés.
Ces scènes se sont déroulées devant ou à 'intérieur de certaines entreprises, dont un supermarché de la chaine Delimart et le siège central de la Sogebank à Delmas, les locaux de la Digicel et de l'Hotel Marriott à Turgeau, le cabinet de Me Aviol Fleurant (ministre de la planification accusé d'implication dans le scandale des kits scolaires) et le ministère de la communication à l'avenue Lamartinière.
Les vitres du véhicule du docteur Junot Félix, du Mouvement Acaau, auraient également été brisées à Delmas
Des pierres ont également été lancées en direction de l'Ambassade du Canada à Delmas, alors qu'un véhicule appartenant à l'Ambassade du Mexique aurait subi des dommages devant le parlement.
Le Bureau du secrétaire d'Etat à la Sécurité publique a dit condamner avec rigueur " les actes de violence et de vandalisme perpétrés durant la manifestation qui s'est déroulée ce mardi 12 septembre dans la zone métropolitaine. Il exprime son soutien aux victimes et affirme sa fermeté face à ces actes inaceptables, tout en soulignant que les dégradations volontaires commises, feront l'objet de poursuites judiciaires, avec condamnation de leurs auteurs".
Plusieurs manifestants ont fait savoir que tout se déroulait normalement jusqu'à ce que la police entreprenne de lancer des gaz lacrymogènes, maltraiter des manifstants et tirer des rafales d'armes.
En tout cas, l'ancien sénateur Jean-Charles Moise a dit regretter les casses enregistrées lors de la manifestation. Mais il fait remarquer que lorsque, au lieu de l'accompagner, la police a cherché plutôt à disperser une foule aussi compacte, elle a provoqué la colère des protestataires.
L'ex-parlementaire s'est félicité de la réussite de la manifestation et assuré que le président Jovenel Moise n'aura pas d'autre choix que de renoncer à son budget anti-peuple. Cela peut toujours se faire par un budget rectifié, soutient l'ex-parlementaire qui donne un délai de 48 heures au chef de l'Etat pour qu'il prenne une décision.
Le député de la 3e circonscription de Port-au-Prince, Printemps Belizaire, qui avait appuyé et participé à la manifestation de ce mardi, plaide en faveur d'une révolution générale contre le président Moise qu'il accuse de ne pas travailler dans l'intérêt de la population.
Un autre haut-cadre de Fanmi Lavalas le Dr Schiller Louidor a fait savoir que le pouvoir provoque sciemment la population sur laquelle il croit avoir droit de vie ou de mort. Il lui demande de rester moblisée en attendant d'autres mots d'ordre.
Pierre Télémarque qui a pris part au mouvement de ce mardi, a fait savoir que la manifestation du jour n'est que le début d'un vaste mouvement de protestation.
"Si le chef de l'Etat ne revise pas son budget contesté, il va se heurter à un mouvement d'une très grande ampleur", h a prévenu celui qui a été l'un des principaux leaders du mouvement des ouvriers du textile qui avaient protesté énergiquement contre le maigre ajustement du salaire minimum.
Le président du forum économique du secteur privé, Bernard Craan, a condamné l'attaque contre les biens des citoyens tout en déplorant que la décision de l'Exécutif d'augmenter certaines taxes n'ait pas fait l'objet de débats avec les opérateurs.
Selon des témoignages, les villes de province devraient bientôt rejoindre le mouvement. Ainsi des manifestants ont gagné les rues pour la deuxième journée consécutive ce mardi à Aquin dans le Sud du pays
pour protester contre le budget 2017/2018.
En fin de compte, la détermination affichée par es manifestants à aller jusqu'au bout de leurs revendications montrent que le président Jovenel Moïse ne devrait plus écouter que ses seuls conseillers et amis qui lui disent que tout va bien. Sinon, ils risquent de se retrouver seul dans le chaud.
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