samedi 16 décembre 2017

Le CSPJ affirme que la momination par le president Jovenel Moïse de juges soupçonnés de corruption, fera partie de son passif et qu'il s’est lui-même condamné: le Conseil accuse le chef de l'Etat lors d'une conférence de presse d'avoir violé l’article 136 de la constitution qui fait de lui le garant de la bonne marche des institutions


Port-au-Prince, le 16 décembre 2017 – (AHP) - Les propos du président Jovenel Moise selon lequel il a procédé, sous contrainte, à la nomination de juges soupçonnés de corruption en octobre dernier, agacent visiblement  les acteurs   les acteurs du système judiciaire, hormis bien sûr, le Ministère de la justice.

Après les associations de magistrats, c’est au tour du conseil supérieur du pouvoir judiciaire, directement indexé par le chef de l’Etat, qui est monté au créneau. D’abord via une note de protestation moins de 24 heures après les allégations du président Moise.

Dans cette note du 14 décembre, le CSPJ dénonçait une tentative de mettre en péril l’indépendance du pouvoir judiciaire et de saper les bases du principe de la séparation des pouvoir.

Mais, c’est dans une conférence de presse que le CSPJ, accusé par le locataire du palais national d’avoir influencé dans le mauvais sens sa décision, a donné sa réponse au président Moïse.

Sa vice-présidente Wendelle Coq Thélot a tenu à informer le président Moïse que ses déclarations ne lui rendent aucun service ni ne lui donnent aucune couverture, lui rappelant qu’en tant que chef d’Etat, il est le garant de la bonne marche des institutions.

"Si le président a accepté de nommer des juges soupçonnés de corruption, il doit en assumer les conséquences", a-t-elle souligné, ajoutant "qu'en tant que juge je peux vous dire que si un magistrat a admis avoir été contraint de prendre une décision, pour rendre un jugement, il devrait démissionner.

"Un président ne devrait pas céder aux pressions", a ajouté celle qui a siégé à la cour de cassation, faisant savoir que la décision de M. Moïse de nommer des juges soupçonnés de corruption, fera partie de son passif. Il s’est lui-même condamné avec de telles déclarations, a poursuivi la juge Thélot.

Le représentant des cours d’appel au CSPJ, Me Max Elibert a pour ra part rappelé, qu’en octobre dernier, le président n’a pas nommé de juges mais a plutôt procédé au renouvellement de leurs mandats.

"Ce sont des magistrats qui n’ont pas fait l’objet de plaintes ou de sanctions du conseil de discipline", a informé Me Elibert rappelant que l’actuelle administration, (celle de M. Moïse NDLR) n’a presque rien mis dans le budget pour le fonctionnement du conseil de discipline.

Il y a des juges certifiés, il y en a qui ne le sont pas et si le président avait des doutes sur certains magistrats dont il devait renouveler le mandat, il se devait d'en parler avec le CSPJ. Ce qui n’a jamais été le cas, a dit Me Elibert, rappelant que le Ministère de la justice est représenté au sein de la commission de certification.

"S’il s’est permis de nommer des juges soupçonnés de corruption c’est en violation de l’article 136 de la constitution qui fait de lui le garant de la bonne marche des institutions et c’est lui qui est fautif, soutient Max Elibert.

Le représentant des tribunaux de première instance, Me Noé Pierre Massillon a lui aussi rappelé que le chef de l’Etat avait des provisions légales pour ne pas nommer les juges qu’il estime en contravention présumée avec la loi, en raison des soupçons de corruption pesant sur eux.

Le chef de l’Etat n’a pas droit à l’erreur. S’il y a des juges corrompus, il devrait solliciter le CSPJ, mais  n’avait pas à décider de renouveler leurs mandats, affirme l’homme de loi, rappelant lui aussi l'existence de la commission mixte de certification à laquelle il n’a pratiquement pas donné de budget de fonctionnement.

La représentante du secteur des droits humains au CSPJ, Me Dilia Lemaire, a invité le chef de l’Etat a reconnaître avoir gravement  péché. La première rencontre entre le président Moïse et le CSPJ n’a eu lieu que 7 mois après sa prestation de serment, a souligné Me Lemaire.

Présent à la conférence du CSPJ, le directeur exécutif du réseau national de défense des droits humains, Pierre Espérance, a lui aussi déploré les propos du président Moïse. Il a condamné les décisions du président Moïse qui, dit-il, a fragilisé les institutions de lutte contre la corruption dont l’Ucref et l’ULCC. Le lutte contre la corruption demande des institutions fortes, a aussi rappelé le défenseur des droits humains.

Pour le président de l'association professionnelle des magistrats, Wando Saint-Villier, c'est gravissime que le chef de l'Etat tienne avec tant de légèreté de tels propos  de nature à affaiblir davantage les institutions. 

Me Saint-Villier invite le CSPJ à diligenter une enquête sur les juges nommés en novembre dernier.

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