mardi 24 juillet 2018

Le RNDDH présente un bilan détaillé des dégâts enregistrés lors des émeutes des 6, 7 et 8 juillet 2018, mais aussi des opérations de destruction la veille de maisons à Pélerin, et fait un ensemble de recommandations





Port-au-prince, 24 juillet 2018- (AHP)- Le Réseau national de defense des droits humains (RNDDH) a présenté ce mardi un rapport détaillé des violences ayant marqué les journées des 6, 7, 8 février à Port-au-prince et dans des villes de province, suite à une augmentation abusive et vertigineuse des prix de l’essence.


Interpellé par la situation, le Réseau National de Défense des Droits Humains (RNDDH) affirme avoir diligenté une enquête autour de ces événements , soulignant que les pertes humaines et matérielles, résultant de ces émeutes sont énormes.

 
A moins vingt (20)  personnes ont perdu la vie et au moins un enfant a été blessé, souligne l’organisation, faisant savoir que de nombreux  
véhicules ont été  vandalisés ou incendiés, des entreprises privées et publiques ont  essuyé des attaques ou ont été endommagées

Dans le cadre de cette enquête, le RNDDH informe avoir  rencontré des riverains ainsi que des autorités policières, judiciaires et pénitentiaires et  s’est rendu dans vingt-neuf (29) espaces dont vingt-et-une (21) entreprises commerciales et huit (8) centres commerciaux où il s’est entretenu avec des responsables et certains employés. 

Certaines personnes arrêtées ont aussi été rencontrées dans leur lieu d’incarcération et les informations relatives à leurs conditions d’arrestation, de rétention et de détention ont été analysées, indique l’organisation qui de plus, s’est rendue à Pèlerin 5 où elle s’est entretenue avec des propriétaires de maisons démolies par la police sur ordre du commissaire du gouvernement. 

En effet, parallèlement aux émeutes, le 3 juillet 2018, le commissaire en chef du parquet près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Clamé Ocnam DAMEUS a adressé au directeur départemental de l’Ouest de la Police Nationale d’Haïti (PNH), Berson SOLJOUR, une correspondance jugée insultante et discriminatoire vis-à-vis de la population haïtienne, dans laquelle, il l’informe : 

« Que le parquet a reçu une requête du directeur général de la Direction Générale des Impôts (DGI) en date du 2 juillet 2018, dénonçant des individus qui occuperaient de manière illégale des espaces faisant partie intégrante des domaines privés de l’Etat ; que l’espace occupé illégalement se trouve à proximité de la résidence officielle de la famille présidentielle ; que l’occupation illégale de cette portion de terre, menace la vie et la sécurité de la famille présidentielle ; Que par conséquent, toutes les mesures jugées utiles et nécessaires doivent être prises pour que ces occupants illégaux du domaine privé de l’Etat soient immédiatement délogés, et que la sécurité des honnêtes gens de la zone soit convenablement assurée. » 

Toujours le 2 juillet 2018, rappelle le RNDDH, des individus se rendent à Pèlerin 5 et inscrivent sur les façades principales de trente-quatre (34) maisons, « DGI – à démolir »

Le lendemain 3 juillet 2018, autour de 3 h de l’après-midi, le commissaire du gouvernement près le tribunal de première instance de Port-au-Prince, Me Clamé Ocnam DAMEUS, le secrétaire d’Etat à la sécurité publique, Ronsard ST-CYR, le directeur départemental de l’Ouest de la PNH, Berson SOLJOUR, accompagnés de nombreux agents de l’Unité Départementale pour le Maintien de l’Ordre (UDMO) se sont transportés à Pèlerin 5 en vue de démolir les maisons jouxtant la propriété du président de la République. 

Des employés de la mairie de Tabarre munis de divers équipements lourds les accompagnaient aussi. Ces derniers ont été invites, selon RNDDH, à agir en dehors de leur commune parce que – vraisemblablement - la maison qu’occupe le président et sa famille appartiendrait (ou appartenait selon les rumeurs qui veulent que le président ait acheté la maison en question), à Yves Léonard, un homme influent à la mairie de Tabarre, (connu comme étant le mari de la mairesse). 

Ils ont commencé à démolir une maison appartenant au sieur Délinois FLEURISIER. Ce dernier, qui affirme avoir acquis le terrain depuis 2012, n’était pas sur les lieux au moment de la démolition.

 Les autres propriétaires, ayant remarqué que la maison de leur voisin était en train d’être démolie, se sont précipités chez eux et ont emporté ce qu’ils pouvaient pour les placer chez des amis dont les maisons sont éloignées. Ce jour-là, les opérations de démolition ont continué jusqu’à 2 heures du matin. 

Ce jour-là, 7 des trente-quatre (34) maisons ciblées ont été démolies. 


Le RNDDH relève encore qu’à la veille des émeutes enregistrées les 6, 7 et 8 juillet 2018, la situation générale des droits humains en Haïti était déjà préoccupante. Les droits à la vie, à la santé, au travail, au logement, à la sécurité sociale et à l’éducation de la population étaient constamment foulés aux pieds. 

De plus, la sécurité générale du pays est très précaire. Les luttes hégémoniques entre gangs armés se sont intensifiées et les cas d’assassinat augmentent. Selon les dernières estimations de la Commission Episcopale Nationale Justice et Paix (CE-JILAP), du 1er janvier au 8 juillet 2018, au moins 310) personnes ont été tuées par balles, soit en moyenne quarante-quatre (44) personnes par mois. 

D’un autre côté, indique le RNDDH, le taux de chômage oscille en Haïti entre 70 et 80 %. Conséquemment, plus de 24 %  de la population totale haïtienne vit dans des conditions d’extrême pauvreté avec moins d’un dollar américain par jour et 70 % de la population patauge dans la pauvreté. 

Par ailleurs, informe encore le rapport de l’organisme de droits humains, huit (8) ans après le séisme dévastateur du 12 janvier 2010, 54.175 personnes vivent encore dans les camps, sous des tentes sales, dans des conditions infrahumaines et se battent pour vivre au jour le jour. 

Ces conditions de vie ont engendré plusieurs mouvements de protestation au cours de ces dernières années. Les revendications se résument en fait à exiger le respect du droit à un niveau de vie suffisant pour tous les citoyens haïtiens, la création massive d’emplois et un salaire minimal qui prend en compte la cherté de la vie.  

Ces mouvements de protestation n’ont jamais été pris en compte sérieusement sinon qu’ils ont seulement donné lieu, lors des dernières campagnes électorales, à des discours populistes, sans aucun plan de mise en œuvre et sans programme incorporé dans une politique publique définie dans le strict respect des droits humains. 
Le rapport du RNDDH portant sur la première année de présidence de Jovenel MOÏSE fait état de la non-jouissance des droits économiques et sociaux par le peuple haïtien.

Ce rapport a mis en exergue le fait que le 1er août 2017, le salaire minimum a été fixé à trois cent-cinquante (350) gourdes soit un peu plus de cinq (5) dollars américains par jour, ce qui constitue une pitance pour les familles haïtiennes, composées en moyenne de cinq (5) personnes. 

Il est donc clair que la population n’a pas accès au travail, à la santé ou à l’éducation. Et, la ratification du Pacte International relatif aux Droits Economiques, Sociaux et Culturels n’aura jusqu’à date eu, aucune incidence sur les conditions générales de vie en Haïti. 

Par ailleurs, au fil des années, il est reproché à l’Etat haïtien de cautionner une mauvaise répartition des richesses du pays, favorisant une classe (très) minoritaire au détriment du reste de la population.

Certains affirment même qu’Haïti est en fait gouvernée par ce clan qui garde la mainmise sur les richesses du pays, occupe tous les couloirs du pouvoir sans pourtant faire de la politique active. Ils financent les campagnes électorales et exigent en contrepartie, des coudées franches pour le développement et l’expansion de leurs entreprises personnelles. 

C’est pourquoi, lorsque de manière fortuite, une lettre s’est mise à circuler sur les réseaux sociaux selon laquelle, les autorités étatiques ont été invitées par le Fonds Monétaire International (FMI), à mettre fin à la subvention des produits pétroliers, des commentaires acerbes orientés vers le gouvernement et vers cette classe incriminée, ont circulé sur les réseaux sociaux, menaçant de s’en prendre aux « riches » du pays, si jamais le prix des produits pétroliers venait à augmenter.  

La situation était déjà mûre pour des mouvements sociaux de grande envergure, losque le 6 juillet 2018, un document signé par Jude Alix Patrick SALOMON, ministre de l’économie et des finances et par Pierre Marie DU MENY, ministre du commerce et de l’industrie, circule sur les réseaux sociaux pour  informer en plein match Brésil/Belgique, que le prix de la gasoline a subi une hausse de 38%, celui du diesel 47% et du kerosene 51%.  

Il n’en fallait pas plus pour mettre le feu aux poudres

Le RNDDH invite encore une fois les autorités étatiques à se pencher sérieusement sur les conditions générales de vie de la population haïtienne car, sans vouloir se muer en oiseau de mauvais augure, l’organisme de droits humains estime que le calme et la sérénité dont a besoin le peuple pour vivre, ne sont pas encore revenus. 

Et fort de tout ce qui précède, le RNDDH recommande aux autorités étatiques de     Surseoir aux opérations de déguerpissement, réalisées pour faire plaisir à la famille présidentielle ; 

De Sévir contre les auteurs intellectuels et matériels qui ont planifié, organisé et ont participé aux opérations de déguerpissement à Pèlerin 5. 

De Dédommager les propriétaires des sept (7) maisons détruites à Pèlerin 5.

De Sévir contre les auteurs matériels et intellectuels qui ont planifié, organisé et ont participé aux actes de violence, de pillage et d’incendie enregistrés lors des émeutes des 6, 7 et 8 juillet 2018 ; 

De Traiter, dans le délai légal, les dossiers des personnes arrêtées dans le cadre des émeutes des 6, 7 et 8 juillet 2018 ; 

De Dédommager sans discrimination, toutes les victimes des émeutes des 6, 7 et 8 juillet 2018 ; 

D’Assurer un climat stable de sécurité dans le pays favorisant le retour à la normale, l’investissement et l’emploi ; 

De Rappeler à l’institution policière son rôle de protéger les vies et les biens de tous, sans considération aucune. 

D’Etablir un budget d’investissement et de développement en vue d’éradiquer la pauvreté, selon les Objectifs de Développement Durable ; 

De Réaliser les conditions générales pour la jouissance des droits économiques et sociaux du peuple haïtien en créant des emplois, en construisant des écoles, des universités et des établissements de santé ; 

De Mettre fin au système de clientélisme, de favoritisme et d’exclusion dont est victime la grande majorité de la population haïtienne ; 

D’Adopter des mesures techniques pouvant mettre un terme aux pratiques anti démocratiques, d’où qu’elles viennent, sans préjugé ni considération aucune.






[i]

0 commentaires:

Enregistrer un commentaire